Parmi les arguments stupides que vous entendrez de temps à autre pour vous expliquer la nature du méchant patriarcat, celui-ci risque de revenir assez souvent : Tu te rends compte, quand un mec a beaucoup de conquêtes c’est un Don Juan, alors que quand une fille a beaucoup de conquêtes c’est une salope. C’est dégueulasse, quand même.
Cet argument avait déjà fait l’objet d’un article ici mais il est si courant et si bête qu’un petit rappel, en mode Pour débutant, est utile, notamment parce que ce sujet permet d’aborder plusieurs notions Pilule Rouge importantes.
Une fausse équivalence
Tout d’abord, on a ici affaire au sophisme de la fausse équivalence, qui consiste à comparer des choses qui ne sont pas comparables. Pourquoi ne sont-elles pas comparables ? Parce que les rôles culturels des hommes et des femmes proviennent de leurs rôles naturels : les multiples cultures humaines ne font, le plus souvent, que justifier et expliquer des différences qui existent déjà dans la nature. Or dans la reproduction sexuée, le mâle et la femelle n’ont pas les mêmes fonctions :
- Le rôle du mâle est de répandre ses gênes au maximum. Il doit donc essayer d’avoir le plus grand nombre de partenaires possibles (on parle d’hypogamie). Un mâle performant est donc un mâle qui a une démarche de quantité.
- Le rôle de la femelle est de recueillir les gênes du meilleur mâle possible et de les mélanger aux siens pour obtenir une descendance de la meilleure qualité possible, puis mettre au monde et élever cette descendance (on parle d’hypergamie). Une femelle performante a donc une démarche de qualité.
Dès qu’on prend en compte la psychologie évolutive la plus basique, les choses deviennent très claires et très simples :
- On valorise (en le considérant comme un Don Juan) un homme qui a beaucoup de conquêtes parce que c’est un mâle qui fait bien son boulot de mâle.
- On dévalorise (en la considérant comme une salope) une femme qui a beaucoup de conquêtes parce que c’est une femelle qui fait mal son boulot de femelle. Soit elle n’est pas assez hypergame, et choisit donc mal ses partenaires, soit elle l’est trop et passe rapidement d’un partenaire à un autre, sans se laisser le temps de fonder un foyer ni d’élever une descendance : dans les deux cas, elle ne fait pas ce que l’espèce attend d’elle.
Il n’y a donc aucune raison d’être surpris que les cultures humaines valorisent des individus performants et dévalorisent des individus déficients.
« Ce qui est généralement mal jugé, c’est de prétendre se comporter selon un modèle et un rôle qui n’est pas le sien, et agir à l’encontre des intérêts de l’espèce, tout simplement. »
MARTIAL

Une question de présélection
Le comportement de présélection est observé chez un très grand nombre d’espèces, y compris les humains.
Choisir un partenaire de qualité peut être difficile pour une femelle : cela prend du temps et le temps, c’est justement ce qu’elle n’a pas, vu qu’elle n’est fertile que pour de courtes durées. Il est donc fréquent que les femelles d’une espèce adoptent un comportement parasitaire à l’égard des autres femelles : elles laissent d’autres femelles faire le choix d’un mâle de qualité, puis, quand ce mâle a été trouvé, elles tentent de lui mettre le grappin dessus. Ainsi, elles ont le beurre et l’argent du beurre : un bon mâle, sans le travail nécessaire pour le trouver. Piquer son mec à une copine fait donc partie des stratégies reproductives classiques des femelles de certaines espèces, dont la nôtre. Du coup, un homme connu pour avoir eu beaucoup de conquêtes féminines aura également plus de chances qu’un puceau de bénéficier de ce type de mécanisme.
« Penser la sexualité sans prendre en compte sa fonction reproductrice, c’est ignorer délibérément toute l’évolution de notre espèce et tout ce qui explique nos comportements. »
MARTIAL
Une question de néoténie
A l’inverse, les hommes sont programmés pour sélectionner des partenaires sexuelles qui peuvent leur donner une descendance saine. C’est la raison pour laquelle ils préfèrent :
- Les partenaires jeunes (donc fertiles et en bonne santé)
- Les partenaires ayant eu peu d’autres hommes (ce qui augmente statistiquement leurs chances d’être bien le père de la descendance).

On appelle néoténie la tendance d’un organisme à garder l’apparence de la jeunesse le plus longtemps possible au cours de sa vie. La femelle de l’espèce humaine dispose d’une forme mineure de néoténie. Elle reste jeune dans son apparence et ses comportements plus longtemps que le mâle.
Les mâles trouvent généralement la néoténie séduisante et désirable. Mais d’une partenaire jeune (ou jeune en apparence), ils attendent également qu’elle n’ait pas eu beaucoup de partenaires : celles qui en ont eu beaucoup les déçoivent, puisque, d’une certaine manière, il y a tromperie sur la marchandise. La présélection fonctionne donc également en sens inverse : quand il s’agit de trouver une compagnie d’un soir, les mâles ne sont pas regardants; en revanche, quand il s’agit de s’établir dans une relation de long terme, ils préfèrent les femmes qui ont eu moins de partenaires, ne serait-ce que parce qu’ils savent (même si c’est instinctif) que moins une femme a eu de partenaires, plus il y a de chances pour que le couple perdure. Le mâle n’a donc aucune raison de mettre beaucoup de temps et d’efforts à séduire une femelle qui constitue, pour lui, un mauvais investissement.
Est-ce que c’est dégueulasse ?
Trouver ce genre de chose dégueulasse, révoltante ou autre revient à se taper la tête contre les murs en reprochant au monde d’être comme il est. Cela n’avance à rien. C’est ainsi, tout simplement. Ce n’est ni bien, ni mal, c’est juste le réel, et le réel n’est pas moral. Il est façonné par de grandes forces naturelles, et notamment les forces évolutives, qui ont optimisé les individus (y compris dans les jugements qu’ils portent sur les autres) pour qu’ils répondent aux besoins de l’espèce. Des changements de comportement peuvent se produire à la marge mais, si évolution il y a, elle ne peut se faire que sur le très long terme, et de manière très lente. Pour l’heure, nous sommes condamnés à vivre dans le monde tel qu’il est, que cela nous plaise ou pas.
Il y a par ailleurs le cas inverse, et qui n’est jamais évoqué (il est vrai qu’il est plus rare) : Tu te rends compte, une nana qui est encore vierge à 25 ans, c’est une jeune femme vertueuse qui se garde pour le mariage, alors qu’un mec qui est encore puceau à 25 ans, on se moque de lui.
Eh oui : la pression sociale, qui pousse chaque sexe à adopter un certain type de comportement, fonctionne dans les deux sens. Et le jeune homme qui n’a pas envie d’être un séducteur est presque aussi mal vu que la jeune femme qui a envie de collectionner les amants. Que l’on parle d’un moine ou d’une prostituée, ceux dont la sexualité ne s’inscrit pas dans les attentes communes sont toujours plus ou moins marginaux. Il peut arriver, dans des sociétés particulières, que cette marginalité soit valorisée ou acceptée mais elle ne devient jamais la norme. Tout simplement parce que cette norme est ce qui favorise la survie de l’espèce. Or c’est cela que l’évolution sélectionne. L’évolution se fout complètement de votre bonheur personnel : elle ne s’intéresse qu’à la reproduction et à la survie de la lignée.
On est en droit de s’attrister de la réalité biologique des choses. Mais prétendre la modifier par la seule force de sa volonté et à grands coups de C’est dégueulasse ! est absurde et relève, au mieux, de la poussée d’acné juvénile.
Une mauvaise représentation de l’égalité
Ce type d’argument provient de personnes qui n’a pas une idée réellement précise de ce qu’est l’égalité et qui s’imagine que le monde sera meilleur le jour où hommes et femmes seront jugés sur les mêmes critères en tout et pour tout. Le souci, c’est que ce genre de personne se félicite généralement du fait que, par exemple, on aménage pour les femmes, sur des critères différents, certains concours ou examens d’entrée. Et qui donc exige l’égalité partout, sauf quand ça favorise les femmes, auquel cas elle demande un traitement inégal.
Pour aller plus loin :
- Un premier article avait déjà traité de ce sujet par le passé, en avançant d’autres éléments. Plus de détails ici.
- Pour en savoir plus sur la présélection et la néoténie, voir ici.
- Pour un point sur les stratégies reproductives communes chez l’être humain, voir ici.
- Les regrets exprimés quant à leur passé sexuel diffèrent fortement entre hommes et femmes : la plupart du temps, les hommes regrettent de ne pas avoir assez osé, tandis que les femmes regrettent de ne pas avoir assez résisté à leurs pulsions. Plus de détails ici.
- Le nombre de partenaires passés prédit de façon assez précise les chances de succès ou d’insuccès pour un couple. Mais uniquement les partenaires de la femme. L’homme garde les mêmes chances de conserver un couple stable, quel que soit son nombre de partenaires passées. Plus de détails ici.
- Pour davantage de détails concernant la manière dont certaines idéologies nient le réel, voir ici et là.
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