Comment reconnaître un candaule et devenir un sale macho oppresseur

Le candaule est partout. Il nous entoure et nous cerne. Vivre en sale macho oppresseur patriarcal est l’une des dernières grandes aventures modernes.

Le candaule (également appelée cuck) est un peu au gynocentrisme ce que le collabo était à l’Occupation : un être agissant en conscience contre les intérêts de son propre camp, persuadé qu’il pourra en tirer des bénéfices personnels. La Collaboration, toutefois, n’a pas duré assez longtemps pour qu’émergent de manière massive des êtres aussi bien élevés et conditionnés que les cucks contemporains. Le conditionnement, en effet, ne parvient à un certain degré de perfection que lorsque le sujet qui en est la cible s’y plie non seulement volontairement, mais avec un sentiment de vertu et de devoir accompli, persuadé qu’il est d’agir dans l’intérêt du Bien. Et pour qu’une telle chose advienne, plusieurs décennies de propagande sont généralement nécessaires.

Les attributs du candaule

Aujourd’hui commun dans nos sociétés occidentales, le candaule se caractérise par une série de croyances et de manières d’agir qui marquent et indiquent sa soumission à l’idéologie dominante. Ce sont ces croyances que nous allons examiner en détails ici. Tous les candaules ne partagent pas l’intégralité des croyances ci-dessous citées mais tous en pratiquent au moins une, souvent plusieurs.

#1 : UNICISME ET GYNOCENTRISME

Le candaule pense qu’il y a une femme, et une seule, qui est faite pour lui. L’objet de son obsession peut varier au fil du temps mais, comme un bon toutou fidèle, il ne s’attache qu’à une seule femme à la fois, et ce quelle que soit la nature de ses relations intimes avec elle. S’il a décidé que Charlotte est sa cible unique, jamais il ne passera une soirée avec Myriam, même si celle-ci lui en donne l’opportunité et que cela ne provoque pas de remous avec Charlotte. Que Charlotte soit actuellement en couple avec Jean-Kevin ne dérange pas le candaule : à l’instar de certains insectes mâles, qui, même sans rapport sexuel, s’attachent par une ventouse ventrale à une femelle et restent accrochés à son dos dans l’attente du moment où elles deviendront fertiles, le candaule s’imagine que rester proche de sa cible, être aux petits soins avec elle et ne vivre qu’à travers elle, en attendant le jour où, enfin, elle remarquera quel homme merveilleux il est, est la meilleure stratégie qui soit.

Plus généralement, le candaule se reconnaît au fait qu’il n’est pas le centre de sa propre existence : cette place, il l’accorde à quelqu’un d’autre. Une telle attitude peut être jugée normale quand elle est temporaire et que le quelqu’un d’autre en question est, par exemple, un enfant en bas âge, ou encore un conjoint ou un parent malade, qui a besoin de votre aide. Mais pour le candaule, cette tournure d’esprit est, sinon permanente, du moins chronique : il y a toujours quelqu’un qui est au centre de sa vie, et ça n’est jamais lui.

#2 : SUPPLICATIONS

Le candaule pense que le désir se négocie et que les supplications peuvent effectivement amener une femme à s’intéresser à lui. Il croit qu’en s’écrasant suffisamment, il pourra obtenir des marques d’intérêt, voire d’affection.

#3 : FANTASME DU SAUVEUR

Le candaule sait qu’il existe, en ce bas monde, des jeunes filles à sauver. Et qu’il est, lui, qualifié pour le faire. Il sait que s’il vient en aide à une femme (qu’il s’agisse de changer une roue, de tuer une araignée, d’ouvrir un bocal de cornichons ou de rebooter le wi-fi), il marque des points et qu’au bout d’un certain nombre de points, à la fin, on reçoit des récompenses. Ces récompenses peuvent prendre la forme de rapports sexuels, bien entendu, et c’est d’ailleurs ce qui motive le candaule, pour l’essentiel. Mais elles peuvent aussi, plus prosaïquement, se manifester par le fait qu’on le reconnaîtra, un jour, oui, un jour, comme un bon allié, et qu’à ce titre on cessera de le traiter de sale macho oppresseur.

Ce n’est donc pas par civisme, ni par gentillesse, que le candaule vient en aide à ces dames. D’ailleurs, si nulle femme ne l’observe et n’est là pour louer son sens de la générosité et de l’entraide, il laissera crever la gueule ouverte un homme qui se trouverait lui-même en situation de demander son aide. Sauveur par virtue signaling uniquement, le candaule est, finalement, d’un profond cynisme : il est une forme de parasite se nourrissant sur les soucis d’autrui en prétendant les résoudre, et n’agit que par sens du spectacle.

#4 : IDÉALISATION

Le candaule conçoit la femelle de l’espèce humaine comme un être radicalement différent de lui-même. Plus pur, plus doux, plus empathique, l’être humain de type XX est pour lui une sorte d’être semi-divin. Il croit sincèrement que les femmes sont formidables et n’hésite pas, d’ailleurs, à abuser de généralisations outrancières à leur égard. Il pense par exemple qu’on aurait bien besoin de davantage de femmes en politique. Il se félicite par exemple de la nomination d’une femme à la tête de l’État éthiopien et assure déjà que ça change tout (même si la fonction de président est, en Éthiopie, strictement honorifique, et qu’en pratique elle n’a aucun pouvoir). Cette conviction ne l’a pour autant pas poussé à voter pour Marine Le Pen au second tour de la présidentielle 2017 en France, malgré le fait qu’elle est une femme. Interrogé sur le sujet, il assure que ce n’est pas pareil et qu’il ne faut pas tout mélanger. Dans le meilleur des cas, il explique que Oui mais non, ce n’est pas une femme comme je voulais dire, en bon sophiste du Vrai Écossais.

#5 : AMITIÉ

Le candaule accepte d’être et de rester l’ami de femmes qui ont, implicitement ou explicitement, repoussé ses avances. Pour lui, la phrase Je préfèrerais qu’on reste amis signifie non pas Je ne veux pas de rapports intimes avec toi mais bien Je t’offre la possibilité de demeurer dans mon entourage, de graviter autour de moi, de me combler d’attentions et de cadeaux, de services et de gentillesses, dans l’espoir qu’un jour ton statut évoluera. Il est donc un excellent candidat à la friendzone, dans laquelle il se précipite tête baissée, et avec délectation.

Le jour où il se rendra compte que la friendzone n’est rien d’autre qu’une forme d’exploitation émotionnelle, il se pourrait même qu’il en veuille à la demoiselle, en oubliant au passage que c’est lui qui s’y est fourré, tout seul, comme un grand.

Au fond de lui, comme tous les hommes, le candaule sait bien qu’une amitié réelle et sans sous-entendus avec une femme n’est possible que si le désir est absent de la relation. Mais comme il n’a pas encore été capable de dresser ses désirs, comme il en vient, en réalité, à désirer toutes celles qui lui accordent un brin d’attention, il considère les amitiés féminines comme mieux que rien : des sortes de listes d’attente.

#6 : MARTYROLOGIE ET DOLORISME

Le candaule pense que plus on sacrifie à une relation (déjà existant ou à venir et fantasmé) et plus celle-ci a de valeur. Il ne se rend que rarement compte qu’il s’agit là d’un sophisme du coût irrécupérable ou d’un Effet Ikéa : pour lui, le fait d’avoir consenti par le passé à des efforts en faveur d’une femme est une justification suffisante pour poursuivre ces efforts. Après tout, il a déjà perdu (lui dirait : investi) huit mois de sa vie à orbiter autour de cette nana … ce serait stupide de s’arrêter maintenant, non ?

Plus généralement, le candaule, nourri de comédies romantiques à la Bridget Jones, est persuadé que l’acte le plus touchant et le plus charmant dont soit capable un homme pour séduire une femme consiste à s’humilier pour elle, et devant elle.

Aussi chérit-il ses propres souffrances, qu’il voit comme autant de preuves de ses sentiments. Il s’imagine qu’à la longue, elles seront reconnues, et que la belle s’apercevra de ses immenses qualités de cœur.

#7 : ÉGALITARISME

La candaule est favorable à l’égalité entre les sexes. Mais attention : pas une égalité d’opportunités, ni une égalité devant la loi, déjà acquise, non, une vraie égalité, comme il dit. Il ne sait pas exactement ce que ça veut dire, d’ailleurs, mais il sait que c’est souhaitable. Pourquoi est-ce souhaitable ? Il ne le sait pas précisément. Ce que cela apporterait à la société exactement ? Il l’ignore. Comment mettre en place cette vraie égalité et à quoi on reconnaîtrait qu’elle existe dans les faits ? Cela non plus n’est pas clair dans sa tête. Mais il sait qu’il faut se battre pour une vraie égalité. Et que dans tous les cas, pour y parvenir, il va falloir que les hommes acceptent de perdre un peu des pouvoirs et des privilèges dont la société les comble.

#8 : AVEUGLEMENT ET RATIONALISATION

Le candaule croit dur comme fer que les femmes expriment clairement et sans détours ce qu’elles souhaitent. Lorsque les actes d’une femme sont en contradiction avec son discours, le candaule la rejoint dans sa course au Hamster et lui trouve d’excellentes raisons d’agir comme elle le fait. Il n’a rien compris aux modes de communication féminins et s’imagine pouvoir se baser sur le contenu du discours de son interlocutrice pour comprendre ses motivations et anticiper ses intentions, au lieu de se baser sur l’observation de ses actes.

#9 : PEUR DE LA SOLITUDE

Le candaule n’aime pas être seul. Soit qu’il ait du mal à s’entendre avec lui-même, soit qu’il considère le célibat comme une forme de tare, il lui est difficile d’accepter de ne pas être avec quelqu’un. A défaut de couple véritable, il acceptera un couple fantasmé, une relation à distance ou autre palliatif. Vieillir seul, et finir ses jours autrement qu’aux côté d’une femme aimante, est une idée qui le terrifie.

Cette peur de la solitude l’amène à s’attacher exagérément à ses couples : monogame en série, il est en effet incapable de quitter une femme simplement parce qu’elle ne lui convient plus, ou parce que leur relation ne lui semble pas saine. Il lui faut, pour partir, une porte de sortie : une autre femme, un autre projet de couple et de vie.

#10 : DÉLAIS ET EXCUSES

En matière sentimentale et sexuelle, le candaule attend Godot. Il sait que la femme qu’il convoite n’est pas encore prête à recevoir son amour. Que ce n’est pas le bon moment. Qu’il faut attendre encore un peu. Qu’hier, oui, hier, c’était bien, mais il a laissé passer la chance, alors aujourd’hui, ça n’est plus le moment, et il vaut mieux attendre une occasion plus propice.

Le candaule est tellement effrayé par l’idée d’un rejet, qui le renverrait à sa propre solitude, qu’il est prêt à tout pour retarder l’instant fatidique, et à trouver toutes les excuses pour ne pas faire avancer la relation. Parce qu’il est persuadé qu’une pseudo-relation est préférable à pas de relation du tout, il est prêt à accepter tous les compromis et toutes les compromissions.

#11 : IDENTIFICATION

Le candaule pense que le fait de partager des intérêts avec sa cible est un moyen efficace de s’assurer un accès au contenu de sa culotte. Aussi en viendra-t-il à s’intéresser aux livres qu’elle lit, à la musique qu’elle écoute, aux causes qu’elle défend. Il est capable de sacrifier jusqu’à sa propre identité et ses propres idéaux en échange d’un vague espoir d’attention.

#12 : UN MEC PAS COMME LES AUTRES

Le candaule a internalisé et assimilé la honte qu’il y a à être un homme cisgenre hétéronormé. Il sait que les hommes sont responsables de toutes les horreurs de ce monde et il est prêt à tout pour faire comprendre aux autres que non, lui, il n’est pas comme ça. Aussi cultive-t-il avec assiduité son côté féminin et pense-t-il que, sur le principe de l’identification cité précédemment, c’est en ressemblant à la femme qu’il convoite qu’il attirera ses faveurs.

Dans tous les cas, il est primordial pour lui de crier haut et fort que non, il n’est pas comme les autres. Sans doute ignore-t-il qu’il n’y a rien de plus commun ni de plus banal que de prétendre être unique. Toujours est-il qu’il fait beaucoup d’efforts pour prouver à sa belle et au monde qu’il n’est pas un macho, pas un mâle classique … bref, qu’il est différent.

Etes-vous un candaule ?

Il est facile de rire du cuck. Mais en réalité, nous vivons dans une société et dans une époque qui, en renforçant et en encourageant le candaule à tous les niveaux, nous pousse, même à notre corps défendant, à adhérer à au moins une partie de ses caractéristiques. La liste qui précède, si elle peut avoir ses côtés amusants, est donc surtout destinée à permettre à chacun de s’interroger sur ses propres croyances et ses propres actes. Et il est, bien souvent, plus facile de rejeter une idée que de faire de ce rejet un élément réel de notre existence.

Quiconque rejette la voie du candaule s’engage, ipso facto, dans celle du salaud : celle du sale macho oppresseur, du mâle hétéronormé cisgenre, bref : de la lie de l’humanité, à en croire l’idéologie post-moderne. Il peut cependant y avoir quelques bénéfices quotidiens à vivre ainsi en salaud. Ne serait-ce que parce qu’il n’y a qu’ainsi que l’on puisse faire passer la Pilule Rouge de la théorie à la pratique.

Devenir un sale macho oppresseur

En pratique, donc, le sale macho oppresseur se situe, sur chacun des douze points précédemment cités, à l’opposé du candaule. Cela suffit, le plus souvent, à le faire considérer comme un être pour le moins étrange, et parfois un véritable salaud. Autocentré (car sachant que s’il ne se soucie pas de son propre destin, nul ne s’en souciera à sa place), il est fréquemment considéré comme égoïste par ceux (et celles) qui aimeraient qu’il se sacrifient pour eux et ne comprennent pas qu’il s’en abstienne. Parce qu’il refuse de supplier, il peut être jugé distant. Parce qu’il vient en aide aux autres par civisme ou par charité, mais sans en espérer d’avantages sexuels, et parce qu’il sait que les bienfaits déjà engrangés sont des bienfaits déjà oubliés, il peut être jugé cynique ou froid.

Parce qu’il tient les femmes pour des êtres humains à part entière, rigoureusement situés dans la même catégorie que les hommes, et qu’à ce titre, lunettes de Tirésias devant les yeux, il les juge exactement à la même aune et selon les mêmes exigences, il est parfois vu comme misogyne.

Parce qu’il ne cultive pas de pseudo-amitiés ambiguës, il peut être vu comme peu sociable ou solitaire. Parce qu’il n’accorde aucune noblesse à la souffrance, conscient que celle-ci n’engage l’autre à rien et qu’il n’y a aucune fierté particulière à avoir du fait d’être une victime, on peut l’estimer peu empathique.

Parce qu’il comprend que ce que les gens disent n’a aucune valeur et que seuls comptent les faits, parce qu’il juge comme nulles et non avenues les intentions et ne se base que sur les actes, le sale macho oppresseur passe parfois pour insensible. Insensible, voire sans cœur, également, parce qu’il a conscience qu’il n’y a, dans le couple, aucune harmonie spécifique descendant du Ciel par la volonté du Saint-Esprit et que celui-ci est, potentiellement, un lieu de conflits feutrés, dans lesquels il y a généralement un gagnant et un perdant.

Parce qu’il a appris à bien s’entendre avec lui-même, que sa propre intériorité ne lui fait pas peur et qu’il peut prendre plaisir à la compagnie des autres sans pour autant en avoir besoin, le sale macho oppresseur ne prête pas le flanc à la plupart des techniques de manipulation sentimentale, et, en conséquence, donne la désagréable impression de ne pas vouloir se laisser saisir.

Parce que, quand le moment est venu, il agit au lieu de tergiverser, on peut lui reprocher d’être brutal. Et parce qu’il considère le rejet comme faisant partie des rapports de séduction normaux, on peut lui reprocher d’être méprisant.

Parce qu’il sait qui il est et n’a pas besoin des autres pour se définir, on dit parfois de lui qu’il est fermé. Et parce qu’il assume son statut de mâle, acceptant le fait que son sexe biologique le détermine, qu’il le veuille ou non, et ne ressentant pas le besoin de s’en excuser, on le considère à l’occasion comme un machiste irrécupérable.

Bref : contrairement au candaule, le sale macho oppresseur a plutôt la belle vie. Ce qui le caractérise n’est pas tant ce qu’il fait que ce qu’il ne fait pas : ce qui le rend oppressif, en effet, c’est d’abord et avant tout que contrairement au candaule, il ne collabore pas au gynocentrisme, ni au culte de la Jeune Fille. Alors que le candaule autorise, permet et soutient la transformation d’un maximum de femmes en Jeunes Filles, en contribuant à les déresponsabiliser, à les excuser de tout, à les soutenir en tout, à faciliter la moindre de leurs entreprises et le moindre de leurs caprices, le sale macho oppresseur, lui, les considère sur un pied d’égalité, et les juge selon des critères exactement aussi sévères que ceux qu’il réserve aux hommes. C’est d’ailleurs bien ce qui lui est reproché.

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