Le Cadre du couple : une lutte perpétuelle

Dans un couple (mais pas seulement dans un couple : dans toute relation, en réalité), le Cadre est ce qui définit la réalité dans laquelle évolue la relation. Le Cadre du couple, ce sont donc l’ensemble des règles non dites, des conventions pas nécessairement exprimées mais qui définissent comment fonctionne le rapport entre les personnes qui le composent. Tenir le Cadre du couple, c’est être celui qui établit ces règles. Car contrairement à ce que pourrait laisser à penser certaines idéologies contemporaines ou les comédies romantiques à l’eau de rose, non, le Cadre n’est jamais tenu conjointement, ni à égalité : il y en a toujours un des deux qui le tient plus et mieux que l’autre, qui fait entrer l’autre dans son Cadre. Le couple est un espace de tensions permanentes et de lutte pour le contrôle du Cadre.

Contrôler le Cadre du couple est la clef d’une relation harmonieuse. Et c’est le boulot de l’homme : s’il ne tient pas le Cadre, c’est sa compagne qui le tient. Et si c’est elle qui le tient, elle nourrit un sentiment d’insécurité qui, à terme, peut être fatal à la relation. Avant d’aller plus loin, il convient de rappeler que le contrôle du Cadre du couple n’a rien à voir avec une autorité brutale, ni avec la moindre forme de violence : on n’entre bien que dans un Cadre qu’on accepte, voire que l’on souhaite. L’homme qui tient le Cadre de sa relation se place, pour sa compagne, en position non pas de décisionnaire inique et tyrannique, mais plutôt de patriarche protecteur, d’autorité morale et de figure tutélaire.

On peut considérer qu’un homme tient le Cadre du couple quand il réunit au moins trois éléments :

  • Il est en mesure de définir, de maintenir et de faire respecter les termes et les règles de la relation entre les deux personnes ;
  • Il est en mesure de modeler l’image que le couple donne de lui-même à l’extérieur ;
  • Il est en mesure de modeler l’idée que le couple se fait du monde extérieur.

Et ce dernier point est d’une capitale importance. Contrôler le Cadre du couple, c’est influencer la vision du monde que celui-ci, en tant qu’entité, peut avoir. Non pas les opinions de chacun : votre compagne peut bien avoir les idées qu’elle souhaite ; de toute manière, cette opinion est, selon toute vraisemblance, purement déclarative ; non parce qu’elle est une femme mais parce qu’elle est le produit d’une société du virtue signaling, et que, comme l’immense majorité de nos contemporains des deux sexes, il est vraisemblable qu’elle ne conçoive l’engagement idéologique que comme une chose purement esthétique, une déclaration d’intention qui n’engage à aucun acte réel. L’enjeu du Cadre du couple n’est donc pas de rallier votre femme à vos opinions mais bien de contrôler la manière dont le couple manifeste sa vision du monde de façon matérielle et concrète : organisation de l’espace, des activités de chacun, répartition des tâches et des fonctions, mode d’éducation des enfants, et ainsi de suite.

Volonté et représentation

En clair, il s’agit, pour reprendre la formule de Schopenhauer, de partir de l’idée que le monde est Volonté et représentation : le monde de mon couple est ce que je dis qu’il est. Cela ne veut pas dire que je fais ce que je veux dans ce monde, bien au contraire : j’y obéis, comme tout un chacun, à des lois et à des règles strictes, et que je ne peux en aucun cas changer à volonté. Mais des lois et règles strictes auxquelles je consens, et qui ont été définies par ma volonté.

Or cela n’est possible qu’à la condition que mes objectifs, ma vision du monde en général, ma philosophie de vie et mes idéaux soient, en amont, bien définis. Cela fait partie des raisons pour lesquelles on déconseille généralement aux hommes trop jeunes de se marier ou même de se mettre en couple : ils n’ont pas encore acquis la maturité nécessaire pour cela, leur vision du monde et leur philosophie de vie sont encore balbutiantes et il n’y a guère que par une forme d’autorité tyrannique ou de faiblesse intrinsèque de leur compagne qu’ils peuvent espérer tenir le Cadre du couple.

Le contrôle du Cadre du couple est donc fortement lié à votre propre état d’esprit : avez-vous fait la paix avec vous-même ? Vous connaissez-vous assez pour savoir ce que vous voulez et ce que vous ne voulez pas, ce que vous tolérez et ce que vous refusez, ce que vous souhaitez apporter à votre compagne et à votre famille et ce que vous voulez garder pour vous ? Êtes-vous en mesure, dans ce Cadre, de proposer à votre compagne un deal qu’elle juge équitable ? En d’autres termes : vos exigences sont-elles à la hauteur des valeurs, réelles ou symboliques, que vous apportez ? Et êtes-vous capable d’évaluer sereinement et honnêtement les valeurs que votre compagne apporte en contrepartie ? Autant de questions qu’il convient de se poser, et auxquelles il faut apporter une réponse. La question du deal, en particulier, est fondamentale : aussi charismatique ou convaincant que vous puissiez être, votre Cadre ne tiendra jamais sur le long terme si votre compagne n’estime pas recevoir, en échange des lois que le Cadre lui impose, des valeurs en retour.

Le Cadre du couple commence en soi

Pour créer et maintenir un Cadre sain, il est fondamental d’être au clair avec soi-même et d’être capable d’assumer le poids de ce Cadre. Car tenir le Cadre au quotidien, c’est être Atlas soutenant le monde : c’est une tâche qui peut s’avérer épuisante, mais sans laquelle le couple et la famille s’effilochent et partent à vau-l’eau. Le développement et l’amélioration de soi, la réflexion sur sa propre existence et ses propres valeurs, l’élaboration d’une philosophie de vie claire et cohérente : autant d’éléments qui vous rendent apte à tenir le Cadre.

Bien sûr, toutes les femmes n’entreront pas dans le même type de Cadre, ni avec la même bonne volonté. Toutes ne présentent pas les mêmes difficultés ni les mêmes blessures, les mêmes vertus ni les mêmes névroses. Sans compter que, oui, hélas, certaines femmes sont tout simplement incapables d’entrer dans un Cadre, et donc de participer à un couple harmonieux. C’est triste, c’est même tragique, mais certains êtres sont condamnés, de leur propre fait ou non, au malheur. On peut apprendre à repérer des femmes capables de former un couple correct : il y a des signes qui ne trompent pas. Cette considération ne doit toutefois pas faire oublier une autre vérité, qu’il est également bon d’avaler : beaucoup d’hommes sont incapables de tenir le Cadre du couple.

Incapables et pour cause : l’homme contemporain est dénué, la plupart du temps, de toute colonne vertébrale éthique, philosophique ou morale et, pour reprendre l’expression de S.E. Otto, traverse sa propre vie comme il traverserait un carrefour sans regarder, avec mépris et inconscience. C’est un être fragile, incomplet et vain. Comment, dès lors, pourrait-il tenir le Cadre du couple ?

Sans une philosophie pratique et appliquée, une vision du monde claire et la capacité à s’exprimer en tant qu’homme (et non pas en tant qu’auxiliaire de sa femme), il est facile de perdre le Cadre du couple des mains, tout simplement parce qu’on ne tient pas le Cadre de sa propre vie : devenu perméable aux influences les plus variées et les plus perverses, pénétrable aux idées du temps et aux modes les plus diverses, on se retrouve tel un navire sans capitaine ni pilote, emporté par les flots et ballotté au gré des vents.

Bonnes et mauvaises nouvelles

Pour expliquer les choses en peu de mots : vous ne tiendrez jamais durablement le Cadre du couple tant que vous ne serez pas sûr de vous, au clair avec vos idéologies et en mesure de vivre selon vos propres termes. Et tout ceci, par vous-même : ne comptez jamais sur votre compagne pour vous aider à résoudre vos problèmes intérieurs. Elle n’y est pour rien, elle n’est pas là pour ça, elle n’en est pas capable, et faire peser vos propres manques sur ses épaules est injuste.

Et bien entendu, il n’y a aucune solution miracle en la matière. Aucune recette, aucune potion magique, ne vous transformera en une nuit en un être capable de tenir le Cadre de votre relation d’une main de fer. Aucun coach, aucun gourou ne peut vous donner les clefs d’une relation réussie en quelques séances, même si vous les payez très cher. La capacité à tenir le Cadre s’acquiert sur le long terme, par sédimentation, saison après saison. Et cette acquisition exige de l’expérience, de la douleur, des larmes, des erreurs, des luttes, des phases dépressives et des phases de bonheur … bref : elle exige d’avoir vécu.

La bonne nouvelle, cependant, c’est que le vécu, ça s’acquiert dès aujourd’hui, dès maintenant. En se confrontant aux choses et aux personnes, en essayant et en ratant, en se prenant des gnons.

L’autre bonne nouvelle, c’est que vous n’avez pas besoin de créer une philosophie de vie de toutes pièces : d’autres l’ont fait avant vous. Vous n’êtes pas obligé d’appliquer à la lettre tout ce qu’ils ont dit mais les préceptes et les idées de vos prédécesseurs valent presque toujours le temps de s’y attarder, de s’en inspirer. Intéressez-vous au stoïcismeà l’épicurisme, au vitalisme, ou encore à la vie des grands hommes. Lisez Kipling. Inspirez-vous des récits concernant JésusSamsonou les héros antiques. Les classiques ne sont pas des classiques par hasard : ils le sont parce qu’ils continuent, à travers les siècles, à dire aux hommes des choses qui valent la peine d’être entendues.

Ce que tout cela veut dire, en pratique

Toute cette théorie pour en arriver à quoi ? A quelques principes qu’il est bon de garder en tête…

Vous avez besoin de vivre

Si vous êtes dans la vingtaine, vous n’avez pas encore assez vécu pour être en mesure de tenir le Cadre du Couple. C’est aussi simple que cela. Ajoutons que, de toute manière, vous n’avez pas à vous mettre en couple à cet âge. Un couple, ce n’est pas juste deux colocataires qui baisent aussi de temps en temps : ça, ça s’appelle de la dînette ; ça a tous les désavantages d’une sex friend sans les avantages, et en plus ça coûte cher et ça vous prive d’opportunités. Un couple, c’est le début d’une famille : comme le suggère Rollo Tomassi, ne vous installez jamais avec une femme à qui vous ne comptez pas faire d’enfant dans les deux ans qui viennent.

Ce besoin de vivre est d’ailleurs cohérent avec une autre tendance forte : un couple harmonieux, c’est souvent un couple dans lequel l’homme est plus âgé, et a donc davantage d’expérience. Ce n’est pas une condition absolue, mais ça aide.

Faiblesses passagères

Vous allez, tôt ou tard, perdre le contrôle du Cadre. C’est normal : vous êtes humain, et donc faillible. Si votre compagne est de bonne volonté, il se peut qu’elle vous aide à le reprendre, consciemment ou non. Mais ne comptez pas dessus. Partez du principe que les faiblesses passagères sont normales mais impliquent, par la suite, de nouvelles luttes pour le Cadre.

Pressions extérieures

Nous vivons dans une société au sein de laquelle le contrôle masculin sur le Cadre est mal vue. Plus exactement : tout pousse, tout encourage, une femme à sortir du Cadre. Des revendications féministes aux pubs pour les sites de rencontres extraconjugaux, de la slut culture à l’exhibitionnisme sur médias sociaux, de la glorification des hystériques à la misandrie ambiante, ne comptez ni sur la société, ni sur les fréquentations de votre compagne pour vous aider. Dans le meilleur des cas, si elle est issue d’une famille saine et équilibrée, vous pourrez peut-être bénéficier de l’appui ou de l’approbation de son père. Mais c’est bien le maximum que vous puissiez espérer. La plupart du temps, vous serez seul face au monde.

Cadre du couple et Fight Club

La première règle du Cadre est la même que celle du Fight Club : n’en parlez jamais. Et surtout pas à votre compagne. C’est une leçon que vous pourrez enseigner à votre fils plus tard, si vous le souhaitez. Mais avec votre femme, le thème ne doit jamais être abordé : revendiquer le contrôle du Cadre devant elle, c’est déjà mettre en danger ce contrôle.

Tenir et maintenir le Cadre d’une relation est un exercice difficile. Mais c’est également un entraînement extraordinaire au rôle de pater familias et, plus généralement, au rôle d’homme tout court. On y gagne en confiance et en maîtrise de soi ce qu’on y perd en énergie et parfois en patience mais, in fine, il s’agit d’un excellent exercice, tant en termes de compréhension de l’autre que d’exploration de soi.

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