La troisième Loi du Pouvoir de Greene est formulée comme suit : Maintenez votre entourage dans l’incertitude et le flou en ne révélant jamais le but qui se cache derrière vos actions. S’ils n’ont aucune idée de ce que vous prévoyez, ils ne pourront pas préparer de défense. Guidez-les assez loin dans une autre direction, enveloppez-les d’un écran de fumée et quand ils perceront à jour vos desseins, il sera trop tard.
Quelle que soit la relation (professionnelle, amicale, sentimentale, etc.) dans laquelle vous vous trouvez, celui qui dispose de plus d’information que les autres dispose de davantage de pouvoir. Cette vérité essentielle est à garder en tête en permanence.
Tenir sa langue et garder un contrôle strict sur ce que l’on transmet aux autres est un exercice difficile : notre désir de briller, notre complaisance à nos propres yeux, nous encouragent bien souvent à trop en dire. Et la chose est souvent délétère, même quand l’autre n’a pas de mauvaises intentions. Si, par exemple, vous parlez trop tôt et trop en détail du futur boulot, pour lequel vous venez de passer un entretien, et sur lequel vous fondez de légitimes espoirs, que risque-t-il de se passer ? Si vous l’obtenez effectivement, vous n’aurez plus grand-chose à dire de votre succès réel. Et si vous ne l’obtenez finalement pas, vous aurez mobilisé en vain le temps et l’attention de votre interlocuteur. Et il s’ensuivra chez lui une perte dans la confiance en votre parole.
Le pouvoir dont il est question dans les Lois du Pouvoir n’est pas (uniquement) l’influence que l’on exerce sur les autres : il s’agit aussi d’à quel point nous parvenons à être maîtres de notre propre vie. Et une bonne manière de s’assurer que nous gardons autant de maîtrise de notre destin que possible est de ne pas donner aux autres les outils grâce auxquels ils pourraient nous faire du mal ou se mettre en travers de notre chemin. Dans le cadre du couple, l’application stricte de ce principe est la loi du silence.
Mais le silence ne suffit pas toujours. Il est parfois utile d’aller au-delà, et de passer à la vitesse supérieure. Si le mensonge direct est en général à proscrire, car trop facile à démasquer, il existe d’autres méthodes, et il est utile de les connaître, ne serait-ce que parce qu’elles pourraient bien un jour ou l’autre être utilisées contre vous.
Pouvoir, sincérité et honnêteté
La plupart des gens ne font pas la différence entre la sincérité et l’honnêteté. Les pervers et les manipulatrices sont, en revanche, maîtres dans l’art d’utiliser l’un pour faire croire à l’autre. Si la personne face à vous se met à pleurer, par exemple, il est très possible que son chagrin ou sa peine soient sincères. Mais ça ne veut pas dire pour autant que la personne est honnête : elle peut très bien, par exemple, être dans le désarroi parce qu’elle craint que vous n’aperceviez ses manœuvres, ne vous détourniez d’elle ou perciez à jour ses manipulations. Et les larmes de crocodile assurent fréquemment un pouvoir certain sur ceux qui ont le tort de se montrer trop gentils.
Plus généralement : la plupart du temps, les personnes réellement honnêtes dans leurs démarches ne jugent pas nécessaire de vous assurer qu’elles le sont. Plus une personne tente de vous convaincre qu’elle est honnête et sincère et moins il y a de chances pour qu’elle le soit.
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Le leurre
Si on ne sait pas ce que vous faites ni ce que vous voulez, on vous prêtera des intentions. Et celles-ci seront rarement à votre avantage. Mieux vaut, donc, rester maître du récit que les autres font de votre propre existence, en leur proposant des éléments narratifs. Des leurres, par forcément faux mais insuffisants pour comprendre vos intentions, qu’ils puissent se mettre sous la dent.
Il est par exemple possible de prétendre soutenir une idée ou une cause qui est, en réalité, à l’opposé de ses propres sentiments, mais qui va aider à réaliser ses objectifs. L’exemple typique, et facile, est la captatio benevolentiae : le fait d’assurer votre interlocuteur que vous êtes « comme lui ». Souvenez-vous des « Moi, Monsieur Pujadas, je suis comme tous les Français… » de Nicolas Sarkozy, ou encore du terme « Président normal » de François Hollande. Dans les deux cas, il s’agit d’un mensonge (quoi de plus éloigné de la norme, quoi de plus extraordinaire au sens strict du terme, qu’un président de la République ?) mais qui crée un sentiment de connivence.
On retrouve cette même tactique chez les féministes misandres, qui prétendent bien souvent se battre aussi pour les hommes. Ou encore dans le couple, quand un des deux dicte ses desiderata en prétendant le faire pour le bien du couple. C’est également ce qui permet de nommer plan de sauvegarde de l’emploi ce qui est un plan de licenciement massif, ou réforme de l’Éducation Nationale ce qui est un enterrement de première classe de toute tentative de réellement éduquer les masses.
A la guerre, l’un des plus beaux exemples d’usage de ces principes est celui que fit le Duc de Marlborough durant la Guerre de Succession d’Espagne. Il était à la tête du corps expéditionnaire britannique aux Pays-Bas espagnols. Ses manœuvres étaient gênées par un fort, situé non loin de Douai, qui protégeait les arrières des troupes françaises et lui bloquait la route de Paris, dont il aurait pu se servir pour porter le conflit sur le territoire français. Il souhaitait s’emparer de ce fort mais craignait que si les Français s’apercevaient de l’intérêt qu’il y portait et de ses intentions de marcher sur Paris, ils ne le renforcent davantage. S’il détruisait ce fort avec son artillerie, il risquait également de trahir son intention. Marlborough mena donc plusieurs attaques sur différents forts et s’empara de celui qu’il convoitait. Il s’en servit ensuite comme pivot pour des opérations plus au nord, à l’opposé de la route de Paris. Quand les troupes françaises avancèrent, il abandonna Douai, ne laissant dans le fort qu’une garnison minimale, qui se fit massacrer par les Français. Ceux-ci, constatant que Marlborough avait porté un intérêt particulier à ce fort, décidèrent de le détruire pour le priver de cette ressource et firent donc le boulot à sa place.
Il n’y a pas de différence stricte entre le pouvoir et l’illusion du pouvoir. Le contrôle de l’information dont l’autre dispose ou ne dispose pas est un élément essentiel du pouvoir. Sembler subir une situation que l’on a soi-même mis en place est une tactique souvent employée par les manipulateurs. Mais même lorsqu’il ne s’agit pas de manipulation au sens strict : cette Loi met en garde, d’abord et avant tout, contre soi-même : le contrôle de l’information que l’on donne et de cette qu’on ne donne pas, du message que l’on transmet et de celui que l’on garde pour soi, est l’une des clefs essentielles du maintien de son propre pouvoir, à commencer par celui que l’on exerce sur soi-même.
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