Mors ultima ratio : faire la paix avec sa propre mort

Bonheur de ce qui est

La comparaison avec les autres, et en particulier, par le biais d’Internet, avec tous ceux qui sont plus, qui ont plus, qui font plus que nous-même, n’est pas toujours une bonne chose. Comme le rappelle Jordan Peterson dans Douze leçons pour une vie, ce n’est pas à un autre qu’il faut nous comparer, mais bien à nous-même, hier, la semaine dernière, le mois dernier, l’an dernier.

Cette comparaison a deux vertus : d’une part, elle nous empêche de tomber dans l’autocomplaisance. Oui, d’accord, ce que j’ai réalisé jusqu’ici n’est pas terrible, mais c’est déjà mieux que ce gros con de Machin est une pensée mortifère : elle nous enferme dans le présent et nous compare à pire que nous (et pire uniquement selon des critères arbitraires, que nous décidons, et donc qui nous arrangent), plutôt que de nous amener à nous questionner sur le sens de notre propre existence. D’autre part, éviter de se comparer aux autres permet de se satisfaire de ce que l’on a accompli par et pour soi-même : après tout, que savons-nous au juste de l’idiosyncrasie d’un autre ? Nous ne la connaissons que superficiellement et sommes incapables de mesurer précisément le prix qu’il a eu à payer pour obtenir ce qu’il a. Peut-être ce prix était-il terrible, et bien plus élevé que nous ne serions prêts à payer. Ou peut-être était-il ridicule, et a-t-il gagné ce qu’il a dans une pochette surprise. Mais dans tous les cas, nous ne saurons jamais avec certitude quels sont ses efforts, ni quels sont ses mérites. Aussi est-il vain de jouer au concours de quéquette.

En revanche, nous connaissons le prix subjectif de nos propres réalisations. Nous savons bien, au fond de nous, ce que nous devons à nos efforts, ce qui nous est arrivé par chance et ce dont nous avons usurpé le mérite. Et c’est de nous-mêmes que nous nous devons d’être le juge.

Un juge sévère mais conciliant, strict mais pas inhumain. Et un juge qui doit réussir à se souvenir qu’on n’est que rarement à la hauteur de ses propres principes ni de ses propres ambitions. Un juge, donc, qui doit porter un regard sans concession mais non sans tendresse ni sans empathie sur nos manquements, nos erreurs, nos fautes, et parvenir à trouver, dans tout cela, matière à tout de même nous satisfaire de nos réalisations.

Il ne s’agit aucunement ici de cesser de chercher à améliorer sa vie. Il s’agit de prendre conscience du chemin déjà parcouru, du fait que la vie a des hauts et des bas, et que l’existence de « bas » ne signifie pas que l’on soit incapable, même dans ces moments, de trouver quelque étincelle de joie ou de satisfaction. Conscience, enfin, que quels que soient les objectifs que nous nous fixons, il est probable que nous ne les réaliserons pas tous. Et que ce n’est pas forcément grave. Cela peut l’être si cette non-réalisation provient d’un renoncement, d’une chute dans la médiocrité ou le nihilisme ; mais pas si elle vient du fait que nous avons changé de route, que la vie nous a apporté son lot de surprises et que nous nous y sommes adapté.

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